AMEN
Costa Gavras
Musique originale : A.Amar

 

 

Etude de quelques thèmes musicaux du film et de leur signification


A. Le thème du générique de début

Il est constitué d'un "ostinato" * haletant aux cordes, nous voyons un personnage de dos, il entre dans l'immeuble de la S.D.N à Genève.
Il est toujours poursuivi par cet ostinato (motif musical obstiné) qui crée d'emblée un climat inquiétant, le personnage jette des tracts sur le bureau des conférenciers , la musique cesse à ce moment précis , il sort un pistolet de son veston, se suicide, le bruit des rumeurs de l'assemblée remplit alors l'espace sonore et remplace la musique.
Il s'agissait d'un jeune juif, Lux, venu dénoncer aux instances internationales, dès 1936, les sévices subis par les juifs en Allemagne.
A la fin du film, Riccardo sortira, de la même manière une étoile jaune de sa veste de jésuite, créant la même rumeur et signant aussi à sa manière son arrêt de mort pour dénoncer les mêmes exactions .

*" ostinato" est un terme musical qui signifie qu'un motif musical se répète de manière obstinée, dans le cas présent, ce motif est rythmiquement répétitif aux cordes, il est haletant parce qu'il n'y a aucune pause ni aucune possibilité de reprendre son souffle dans ce motif.

Les différentes apparitions de ce thème:

Ce thème, avec cet ostinato haletant aux cordes, est très récurent pendant toute la durée du film : on peut l'appeler "leitmotiv".
Il apparaît à chaque fois que nous voyons les wagons, ouverts ou fermés.
La 1ère réapparition du thème coïncide avec la révélation que Gerstein a eu du processus d'extermination massive : il est lui même dans un train qui croise ce train aux wagons ouverts.
Ce thème musical est toujours associé aux images de ces wagons, parfois ouverts, parfois fermés, parfois le jour, sous la neige...
Une autre signification est attachée à ce thème: petit à petit nous réalisons que nous l'entendons systématiquement à chaque fois qu'une tentative (de Gerstein puis de Riccardo) pour faire cesser ces convoi de la mort se solde par un échec.

Absence d'apparition du thème musical :

Lorsque Riccardo arrive à destination dans un camp de la mort, nous avons l'image du train mais cette fois ci, le leitmotiv musical est absent :
toutes les tentatives ont échouées , les voix se sont tues.
Riccardo comme Lux au début du film a cessé de croire en la parole de l'homme : "amen" , ainsi soit-t-il.


B) le thème de la fanfare

Il apparaît 3 fois et à sa première apparition il crée une sérieuse différence d'ambiance avec ce que nous venons de vivre et d'entendre (la mort de Lux) l'ostinato était inquiétant.
Le thème est maintenant guilleret, bon enfant,une ambiance de fête dans une Allemagne qui triomphe, défilés militaires dans l'allégresse. Il sera entendu 3 fois et il est la marque les années qui passent.
Il est ensuite remplacé par une lugubre transformation :
Image des soldats qui frappent en cadence, leurs fusils dans le camion qui les conduit au front.
La musique de la victoire et ses flonflons naïfs ont disparu de l'espace sonore.


C) le thème du divertissement pianistique
( 3ème apparition musicale du film)

Ce thème musical n'est pas anodin : c'est le seul moment pendant lequel Costa-Gavras s'autorise une caricature grotesque ;
Il s'agit du thème de l' évêque qui, traversant Berlin à pied ( mais en grande pompe et d'un pas exagérément allegro) va se plaindre officiellement et de manière rude au tribunal pour les exactions commises par les nazis.
La musique est ici celle d'un divertissement pianistique.
L'intérêt de cette scène est double :
1) Elle annonce déjà la chorégraphie "vaticanesque"
2) Cette musique est très proche de celle qui clôt le film : pianistique elle aussi. Le tempo va cependant changer, il est devenu plus grave, plus lent : nous ne sommes plus dans la dérision mais dans la conclusion la plus cynique qui soit.
Le Vatican s'organise maintenant pour sauver la peau des SS les plus corrompus. Et surtout, nous avons vu le film ! ! !

D ) autres thèmes

Il y a bien d'autres thèmes musicaux dans ce film :
la musique du bar lorsque le jeune SS se fait chambrer pour ses toutes nouvelles décorations, le chant de noël des SS qui font la fête chez Gerstein le chant grégorien au Vatican, des musiques "off" toujours discrètes, l'une d'elle est une mélopée yiddish etc...
Il me faut encore parler de la chanson de Gerstein avec ses enfants( il s'accompagne sur un piano désaccordé.! ! ) et il va bientôt se rendre aux vainqueurs de l'Allemagne pour rédiger son rapport.



2.
Après avoir entendu la sobriété musicale du film "le Pianiste" je reviens un peu sur ce que j'ai écrit au sujet de la musique du film "Amen". Le leitmotiv musical reste intéressant mais avec du recul, je considère maintenant qu'il nous est asséné trop souvent. Je fais cette critique à partir de mes souvenirs : je n'ai vu ce film qu'une seule fois.

Brigitte Boëdec